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L'article du JSL sur le Débat public consacré à la forêt

Morvan - préservation de la forêt : il y a urgence malgré le consensus

Une réunion publique a rassemblé les acteurs officiels et associatifs concernés par le sort de la forêt du Morvan, ce mercredi à Autun. Le débat a été autant marqué par les consensus que par les inquiétudes autour d’une question aussi simple que vaste : « Quelles forêts pour demain ? »

Dix ans. C’est tout ce qu’il reste pour agir d’après Luc Terraz, directeur de l’Agence régionale de la biodiversité de Bourgogne Franche-Comté. « Pas pour inverser les choses. Pour prendre les bonnes décisions et empêcher l’étau de se refermer. » La salle acquiesce. Tout le monde semble déjà d’accord là-dessus : il y a urgence. Sur les 20 000 espèces (faune, flore et champignons confondus) que compte la région, « 1 600 sont menacées ».

Changement climatique : un Morvan méditerranéen

> Quelles que soient les mesures et les actions, il semble évident à Lilian Duband, chargé de mission changement climatique à l’ Office national des forêts (ONF) Bourgogne Franche-Comté que le Morvan va devoir s’adapter à des changements drastiques dans les prochaines décennies : « Le stress hydrique va rendre les épicéas ou les hêtres incompatibles avec le climat local. Il faut définir des stratégies d’adaptation. Dans trente ans, le climat du Morvan sera comparable à celui de Bordeaux. Dans cinquante ans, à celui de Marseille. Dans un scénario optimiste. » D’où l’importance d’actions fortes et concertées.

Feuillus, résineux, l’indispensable diversité

> Dans l’optique d’une rentabilité rapide, les arbres feuillus historiques du Morvan sont remplacés peu à peu par des résineux, comme le douglas. Une dynamique dénoncée avec véhémence par certaines associations. « La forêt devient une usine à bois, martèle Lucienne Haese, vice-présidente d’ Autun Morvan écologie et matriarche respectée de la lutte pour la préservation du parc naturel. La forêt n’a pas à s’adapter au marché. À ce rythme, le dernier feuillu du Morvan aura disparu dans quelques décennies. »

> Tristan Susse, expert forestier du cabinet qui porte son nom, tire des conclusions similaires : « Il faut rester humble en sylviculture, il n’y a jamais qu’une seule vérité. On a oublié à quel point la canicule de 2003 avait fait souffrir les douglas. Pourquoi ne pas introduire des essences variées qui résistent à des conditions plus difficiles ? L’homme a toujours un impact sur son environnement, notre responsabilité est de toujours garder la possibilité de faire demi-tour. Pour des sols et une biodiversité riches, il faut des arbres variés. » Comment inciter les propriétaires privés à suivre cette tendance ? « C’est délicat, reconnaît François Janex, directeur du centre régional de la propriété forestière. On incite les propriétaires, mais légalement, le mélange n’est impératif qu’à partir de 10 hectares. »

Coupes rases : et si le Morvan montrait l’exemple

> Autre conséquence de l’exploitation à outrance, la pratique de la coupe rase n’en est plus à poser question. « Il faut un avenant au Code forestier. Il est urgent que la loi interdise les coupes rases, sauf cas sanitaires », clame Lucienne Haese. « On a déjà obtenu des avancées dans la régulation », objecte Vincent Chauvet. Présent en sa qualité de président du groupement pour une gestion responsable des forêts bourguignonnes, il n’en reste pas moins maire d’Autun et « un grand partisan des expérimentations. Pourquoi ne pas essayer certaines mesures sur le territoire du Morvan puis en tirer des données pour faire évoluer la législation, au bout de quelques années ? » La salle semble approuver. Quelques années, c’est tout ce qu’il reste pour agir.

> « On est en 2021 et il n’est toujours pas question d’environnement dans le Code forestier. La forêt a besoin de décisions politiques majeures. »

Lucienne Haese,
vice-présidente
Autun Morvan écologie

 

 

 

 

 

 

« Vous êtes tous d’accord, mais il suffit de se promener pour constater que tout est faux »

> Après des présentations successives plutôt en accord les unes avec les autres, le débat public s’est animé au moment des questions.

> « Vous êtes tous d’accord, pourtant il suffit de se promener dans le Morvan pour voir que tout ce que vous dites est complètement faux », lance un premier citoyen.

> « Même en zone Natura 2000, je peux vous montrer des coins où c’est l’horreur, des visions de guerre. C’est déplorable », rebondit une autre.

« Une pure question de volonté politique »

> Après avoir invoqué les conséquences de la crise sanitaire, s’attirant l’agacement de l’assemblée, le président du Parc naturel régional du Morvan, Sylvain Mathieu, a reconnu des difficultés pour faire évoluer la législation et, parfois, pour la faire appliquer efficacement. « Sur les coupes rases, par exemple, elles sont interdites en Suisse et en Slovénie. C’est une pure question de volonté politique. En France, la question ne s’est jamais invitée dans le débat national alors qu’on en parle depuis longtemps dans le Morvan. Dès 2017, on avait engagé un bras de fer avec l’État. On aurait pu aller jusqu’au judiciaire, on aurait peut-être dû. Mais on risquait nos subventions annuelles. »

« Notre intérêt à tous, c’est d’être unis »

Courageux, un homme se lève et prend la parole : « Je suis un peu le mouton noir de la soirée : je fais partie des propriétaires forestiers. On ne fait qu’appliquer la réglementation. La forêt est attaquée, je suis d’accord, et pas qu’un peu. Je crois qu’il y a un sujet essentiel : que peut-on planter pour rendre la forêt plus résiliente ? Notre intérêt à tous, je le crois sincèrement, c’est d’être unis. »
> Les applaudissements sont restés timides.

L.M.

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