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Pesticides agricoles

Le gouvernement présente ce vendredi son plan pour réduire de moitié en 10 ans les pesticides agricoles. Mais la Fondation Nicolas Hulot le juge largement insuffisant.

Après Ecophyto 1, place à Ecophyto 2 ! Tel est le nom du plan présenté ce vendredi 30 janvier par ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et destiné à réduire l’usage par les agriculteurs français de produits phytosanitaires – un doux vocable désignant tous les pesticides chimiques (herbicides, fongicides et insecticides) répandus sur les cultures. L’objectif est, sur le papier, assez ambitieux : diviser par deux en 2025 la quantité de pesticides utilisés (par rapport à 2008), avec une étape de réduction à 25% en 2020. Ce qui n’est pas rien, car la France est le pays d’Europe le plus friand de ces produits : entre 60 et 100.000 tonnes sont pulvérisés chaque année (le chiffre exact n’est pas connu). Avec autant de risques pour la santé des travailleurs de la terre, de pollution pour les sols, les abeilles et les eaux souterraines et, in fine, les denrées qui atterrissent dans nos assiettes – rappelons que certaines pommes consommées par les Français ont subi jusqu’à une quinzaine de traitements insecticides et plus de 28 traitements fongicides, sans parler des herbicides.

"Ecopipeau"

Le plan Le Foll se veut ambitieux, donc, mais en réalité, il ne l’est guère. C’est du moins ce que dénonce la Fondation Nicolas-Hulot qui tire la sonnette d’alarme : "Ce plan va dans le bon sens, mais il est encore insuffisant pour faire évoluer les pratiques, regrette Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation. Pendant longtemps, on a mal connu les liens qui existent entre le développement chez les paysans de certaines maladies professionnelles, comme la Parkinson et leur exposition aux pesticides. Depuis l’enquête de l’Inserm en 2013, on ne peut plus dire qu’on ne sait pas. Il faut maintenant se donner les moyens d’agir." Certaines ONG, comme Phyto-Victimes, association d'aide et de défense aux personnes malades d'avoir ingéré des produits phytosanitaires, ont même surnommé le plan Le Foll "Ecopipeau"... Elles ont, il faut le dire, toutes les raisons d’être échaudée : comme son nom l’indique, Ecophyto 2 n’est pas le premier du nom. Il succède à un plan lancé par le Grenelle de l’Environnement en 2008 et qui se montrait encore plus volontaire : réduire de 50% les pesticides entre 2008 et 2018. Un objectif à l’époque assorti in extremis de ces deux mots de secours : "si possible". Apparemment, cela n’a pas été "possible"... Dans l’ensemble, Ecophyto 1 a fait chou blanc : l’utilisation des pesticides par les paysans français n’a en effet pas bougé d’un iota entre 2009 et 2012. L’ambition de faire passer 20% de la surface agricole utile (SAU) au bio, tout comme de mettre 20% de bio dans les cantines françaises sont restées lettre mort (4% de la SAU est bio, qui n’a pas dépassé 2% des repas, selon la Fondation Hulot).

"Impact négatif avéré"

Seule satisfaction pour les écolos : les produits dits "CMR 1A" et "1B", les plus cancérigènes, mutagènes (provoquant des mutations génétiques) et toxiques pour la reproduction humaine, ont diminué de deux tiers, grâce au retrait des molécules. "Mais il continue de circuler des produits contenant des substances néonicotinoïdes particulièrement dangereuses pour les insectes pollinisateurs notamment les abeilles", martèle Amandine Lebreton, en charge des questions agricoles à la Fondation Hulot. Il est impératif que la France lance une procédure en Europe pour bannir complètement ces produits, qui représentent tout de même 40% du marché en France." Ce n’est pas la première fois que - pour reprendre les termes employés dans le rapport sur les pesticides rendu à Noël dernier par le député (PS) Dominique Potier - "l’impact négatif avéré" des néonicotinoïdes sur les colonies d’abeilles est pointé du doigt. En 2012, le Cruiser (un néonicotinoïde produit par Syngenta), avait été interdit en France sous pression des apiculteurs et des scientifiques, avant de l’être dans toute l’Europe en 2013.

Puissants lobbys

Mais Le Foll doit aussi affronter de puissants lobbys, notamment ceux de l’Union des industries pour la protection des plantes (UIPP), appellation bucolique qui rassemble les fabricants de pesticides agricoles (Bayer, Monsanto, Syngenta…) et pèse quelque 2 milliards de chiffre d’affaires, rien qu’en France. Ce consortium élabore et vend les produits, mais se charge aussi de "conseiller" les agriculteurs. Avec le risque évident que ces "recommandations" ne cherchent pas à tirer les quantités utilisées vers le bas, dénonce la Fondation Hulot, qui réclame une nette séparation entre les structures de vente et  de conseil. Autre lobby pas vraiment favorable – c’est un euphémisme de l’écrire – à la réduction des phytosanitaires : la FNSEA, le syndicat majoritaire des agriculteurs. Amandine Lebreton analyse : Ils vivent encore dans un mythe selon lequel la modernité, c’est l’agriculture intensive et qu’il faut produire de gros rendements pour être efficace. Il est un peu difficile pour eux d’admettre que, depuis 50 ans, ils se sont trompés."

La Fondation Hulot se défend d’ailleurs de vouloir écorner dans le chiffre d’affaires des paysans : "Le plan Ecophyto a permis d’expérimenter, dans quelques milliers de fermes dites 'Dephy'  une réduction concrète de l’usage de 20% des pesticides. Et cette expérimentation montre que cette réduction n’a pas d’impact sur la rentabilité des exploitations, souligne Matthieu Orphelin. L’Inra (Institut national de la recherche agronomique, NDLR) avance qu’on pourrait les réduire de 25 à 30% sans dommage sur la production agricole." Encore faut-il que les politiques l'encouragent.

Sources : Arnaud Gonzague