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Le bocage bourguignon, bel et bien vivant…

Pourquoi ne pas réhabiliter l’entretien en haies hautes sur de nombreux linéaires de haies ? Les associations et les institutions doivent aider les agriculteurs à se réconcilier avec le bocage, qui tel qu’il est conduit aujourd’hui représente un coût élevé pour de faibles bénéfices.

On sait que les haies structurent le pays bourguignon (et plus largement les campagnes françaises et européennes !) depuis au moins le moyen-âge. Empêchant les animaux d'accéder aux parcelles cultivées en bordure de forêt, souvent étayées de bois morts, elles séparent les prairies des cultures et bordent naturellement les chemins.

Le bocage tel que nous le connaissons est plus récent. Au 18 ème siècle l'élevage se développe dans le Morvan ; on clôture les parcelles de culture fourragère, les haies cloisonnent des prairies dont les surfaces s'étendent, les propriétés s'affirment ; les clos également. Les haies deviennent haies vives, elles sont constituées notamment d'arbres fruitiers et assurent une production régulière de bois de chauffe et d'outillage, d'espèces alimentaires et médicinales. Elle s'entretient alors avec soin, se rabat, s'étoffe en plessis… En Morvan elle est constituée de charme, châtaignier, hêtre, noisetier, d'aubépine, de prunellier, ou encore de houx, cornouiller mâle, pommier, poirier, prunier, néflier, merisier, se pare de houblon, clématite, sureau, framboisier sauvage et bien sûr de ronce, chèvrefeuille, lierre grimpant, frêne, tamier...Confitures, médecines, cidres, fumure, vannerie...les usages en étaient nombreux, quotidiens et au gré des saisons...

Lors de la première moitié du 20ème siècle, l'exode rural vide les campagnes de 80% de sa population et les parcelles cultivées deviennent prairies permanentes . Le Nivernais et le Charolais se spécialisent dans l'élevage allaitant, la race bovine charolaise de développe ; le bocage également. Après la seconde guerre mondiale la population rurale diminue encore, le nombre d'exploitations diminue, la taille des parcelles augmente, la mécanisation et le remembrement font reculer le bocage, la haie devient basse. Bilan à ce jour : en Bourgogne et en France les linéaires de haie ont diminué de 40% et leur qualité biologique de 55%. Leurs réseaux se sont simplifiés et sont parfois mités au point de ne plus jouer leur rôle de corridor biologique pour les bêtes sauvages. La gestion en haies basses diminue très fortement les arbres de haute tiges et ses qualités mais permet paradoxalement de les maintenir. Souvent amincies elles doivent donc être doublées de clôtures électrifiées. Leur entretien, assuré essentiellement par les agriculteurs représente une lourde tâche : le surbroyage trop souvent observé permet d'y revenir moins souvent… Rappelons pourtant les multiples intérêts d'un bocage sain et vigoureux, tant agronomiques qu'environnementaux. Les haies protègent, notamment en zones de relief, de l'érosion par ruissellement des eaux et stabilisent les berges des cours d'eau. Elles accueillent une faune variée de mammifères, oiseaux, insectes qui régulent les populations nuisibles aux cultures et favorise largement la pollinisation...Economiquement les taillis et arbres de haut jet fournissent bois, broyat et fruits et sont de précieux ombrages pour les animaux d'élevage, l'ensemble de la haie constituant d'excellents brise-vent.

Face aux effets attendus du dérèglement climatique les haies en atténueront les problématiques: régulation des régimes hydriques de plus en plus irréguliers, abri du bétail pour la chaleur, maintien de l'humidité de l'air...Par ailleurs les maintenir en bonne santé et en planter de nouvelles permet de stocker et donc de compenser une partie des émissions de gaz à effet de serre. Selon L'INRA un kilomètre linéaire de haie peut augmenter le stock de carbone dans le sol de 50 tonnes... A contrario, l'arasement du bocage bourguignon dégagerait l'équivalent de 20% des émissions dues à l'industrie !

Par ailleurs le bocage signe l'identité rurale paysagère de la Bourgogne depuis belle lurette et il n'y a pas que les touristes qui apprécient ces petits chemins, les belles haies propices aux cueillettes et aux promenades ombragées ; les pleins et les creux, les surprises toujours renouvelées après un tournant, le chant des oiseaux, le bourdons des insectes, la trace du renard... Les nombreuses aides institutionnelles déjà en place témoignent de l'intérêt porté à la préservation du bocage mais il existe encore de fortes incohérences réglementaires : on associe difficilement les contraintes économiques et écologiques de nos jours ! Par exemple les agriculteurs peuvent bénéficier de subventions destinées à « optimiser » leur production en transformant des SNA (Surfaces Non Agricoles) en surfaces productives : pour gagner en surface enherbée : démolir un muret ancien, abattre un arbre, raser un taillis, arracher une haie ou du moins la rabattre au maximum. . Maintenir une haie est peu quantifiable (il y faudrait du moins des moyens humains…) replanter une haie l'est et subventionné. En effet, après des années de sur broyage une haie basse conserve un intérêt paysager mais même les oiseaux n'y trouvent plus l'espace, la densité et la tranquillité propices pour faire leur nid... Les agriculteurs, comme le reste de notre société font ce qu'ils peuvent avec les contraintes imposées par l’ultralibéralisme : productivisme, rentabilité et mécanisation toujours plus… subventionnée ! Rivés à leurs tracteurs et à l’horloge, isolés mais très connectés, travaillant même parfois de nuit, arrimés malgré eux au service de l'argent...Ils gardent le souci de faire leur boulot et de le faire proprement. Avec de gros engins et rapidité cela se traduit malheureusement, et trop souvent, par ce qu’on ne peut qu’appeler des blessures ; nos haies le long des routes sont régulièrement des plaies ouvertes du règne végétal et animal. Cela a motivé le travail de rédaction de l’article que vous lisez. Pourquoi alors ne pas réhabiliter l’entretien en haies hautes sur de nombreux linéaires de haies ? Les associations et les institutions doivent aider les agriculteurs à se réconcilier avec le bocage, qui tel qu’il est conduit aujourd’hui représente un coût élevé pour de faibles bénéfices : les haies basses, amincies, fractionnaires perdent beaucoup de leurs qualités évoquées ci-dessus, reste leur fonction paysagère…

Par ailleurs, les haies abîmées ou remplacées par des clôtures, les talus arasés, la destruction des mares ont occasionné, dans une région où les zones humides sont fréquentes (à l’échelon national également) de nombreux ravinements auxquels les agriculteurs ont pallié en drainant leurs prés par de profonds fossés et en arrachant des arbres…

Là encore pourtant, avec moins de travail et plus de lâcher-prise, les haies hautes, les bosquets, les arbres de haut jet et les mares assurent à la fois un drainage plus efficace, des apports de bois et broyat, alimentaires ( pommes, châtaignes, noix, etc) une lutte naturelle contre l’érosion, le vent, les dérèglements climatiques. Tout en restaurant des habitats et une continuité du maillage territorial naturel propices à la faune et la flore sauvage avec lesquels nous devons impérativement réapprendre à vivre…Un bocage qui fait toute sa place aux haies hautes, sain et vigoureux, est l’avenir de l’agriculture en zones tempérées, luttant de fait contre la standardisation des paysages il offre un maillage territorial pour la faune et la flore sauvage et retisse climax et action humaine harmonieusement… Et de l’harmonie, nous en avons bien besoin !!