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Bois énergie

Réponse d'Autun Morvan Ecologie à Monsieur Caullet qui a accordé un entretien à l'association Yonne Lautre, consacré à la forêt.

Monsieur Caullet, parmi vos nombreux titres, vous êtes ingénieur du génie rural des eaux et forêts. Or, pour beaucoup, je dois ma passion pour la forêt à Monsieur Georges Plaisance, ingénieur en chef des eaux et forêts, qui a écrit de nombreux ouvrages passionnants dont La Forêt française, paru en 1979 . Bien avant que l'on parle de multifonctionnalité, il parlait de sylviculture diversifiée fondée sur des impératifs écologiques. Qu’en est-il actuellement dans les déclarations de multifonctionnalité ?

Vous avez déclaré au Salon international de l'agriculture en 2014 : « nous les planteurs de bois » voulons être l'avant-garde de la société dans la lutte contre le dérèglement climatique. Cependant, le bilan carbone doit se calculer en prenant en compte toutes les étapes de récolte , de transport , de transformation et en tenant compte de l'utilisation ultime du bois, transformé en meubles ou brûlé. L'ONG Greenpeace dénonce dans son rapport sur la « biomascarade » les fausses allégations de carboneutralité qui cachent des impacts climatiques majeurs.

Dans votre rapport  sur la filière bois et les forêts , vous déclarez que la forêt la plus mono spécifique est toujours plus diversifiée qu'un champs de maïs, or il est reconnu que la biodiversité est un élément indispensable pour la préservation des écosystèmes forestiers .

Une forêt n'est pas une ressource en bois inépuisable, et parler filière pour les seules raisons économiques de court terme, pour alimenter le marché mondial et répondre à la demande appauvrit le capital d'arbres d'avenir et de qualité. Trop exploité, le bois ne sera plus une énergie renouvelable. Actuellement, les lobbies agro-industriels imposent une monoculture intensive obligeant à un investissement lourd de départ, et à des interventions fortes et coûteuses dans le peuplement (labour, débroussaillement, élagage) pour un bois de masse, de mauvaise qualité.

Robin des Bois titre dans un communiqué « à la Sainte-Catherine, tout bois part en Chine » et dénonce l'exportation massive de bois (www.robindesbois.org). Alors que nous parlons circuits courts, multifonctionnalité des forêts, un million de M3 de bois brut serait exporté vers la Chine alors qu'en 2007, il y en avait moins de 100 000 m3 . Hêtres, chênes, frênes , résineux etc... partent pour revenir en parquets, planches, meubles …. Selon le ministère de l'économie, près de 28 % de la récolte de bois ne serait pas destinée à la première transformation mais prendrait la destination de la trituration ou serait transformée en bois de chauffage. Pour répondre à la demande, il est nécessaire de mobiliser une quantité croissante de bois d'éclaircies, de rémanents, d’ arbres vieux ou à cavités, voire même de souches, pourtant indispensables à la qualité des sols. Et à cela, il faut ajouter les besoins de l'industrie papetière. Utiliser le bois des forêts pour produire de l'électricité, c'est seulement 3 arbres sur 10 coupés qui serviront vraiment à la production électrique. Le volume mobilisable déclaré en France est théorique avec des situations au plus près du terrain très différentes. Nous savons que la ressource sera insuffisante en Bourgogne en 2020, pour autant la régulation de la demande est-elle mise en place ?

Selon l'ADEME, dans le  cadre du fond chaleur et du lancement du 7ème  appel à projets BCIAT (Biomasse Chaleur Industrie, Agriculture et Tertiaire), une hausse de 121 % de la production française de granulés est à prévoir en 2015, par rapport à 2012. La  mise  en œuvre du fond chaleur fera passer le besoins en granulés bois de 1,8 millions de tonnes en 2013 à 4,6 en 2016. Ainsi, les bois destinés à faire des panneaux ou du papier commencent à être brûlés directement, sans rendre d'autres services.  En région Centre et en Poitou-Charentes, des ripisylves ont été broyées pour faire de la plaquette !

En France onze millions d'hectares de forêt sont soumis au bon vouloir du propriétaire dans un cadre légal très peu contraignant. Et de quelle forêt le bois est-il issu ? De plus en plus, de larges étendues de résineux plantés en monocultures sont adaptés à subir l'assaut d'un système de plus en plus mécanisé qui met à blanc toute une colline en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire avec des abatteuses de 10 à 20 tonnes qui coupent , ébranchent , billonnent et empilent en une minute avec des conséquences désastreuses sur les sols, les chemins, les routes.

Une coupe à blanc,  sauf sanitaire, n'est pas l'ultime solution après une plantation  équienne. Il est possible d'irrégulariser le peuplement  ( méthode Pro Silva) en effectuant des éclaircies fortes  pour permettre la régénération naturelle qui d'ailleurs prolifère dans un peuplement de douglas  et favoriser le mélange sur le moyen et long terme . Cette méthode  était préconisée dans la charte forestière  du PRNM afin de limiter les coupes rases des peuplements de douglas qui sont estimés à maturité.   Pour pousser, un arbre a besoin d’un sol dans toute sa composante, avec des minéraux produits par le cortège de la pédofaune, des champignons, des autres arbres et de l’atmosphère... ce mode de sylviculture existe.
	
La sylviculture naturelle propose de produire du bois à sa pleine maturité, en accourcissant la durée de production tout en allongeant la révolution, en optimisant l’utilisation du sol sans l’appauvrir, et en utilisant des ressources naturelles, tout en minimisant les risques (vent, parasites...), les investissements, les frais inutiles, et ce pour une rémunération optimale du propriétaire. Et cela, en respectant simplement deux principes : la régénération naturelle et le chevauchement des générations. 

Bien entendu,  nous ne pouvons prétendre que toutes les forêts doivent être jardinées,  mais pourquoi les alternatives à la futaie régulière ne sont-elles pas plus développées ?     Nous constatons   la dégradation constante des forêts : coupes à blanc, monocultures de résineux coupés  de plus en plus jeunes, destruction des chemins et routes communales , dégradation du paysage et de la biodiversité, destruction de la qualité des sols,  désertification des communes rurales avec la disparition des petites  scieries,   Nous attendions  de la loi sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt (la  LAAF)  qui   vient d'être votée, que les déclarations  sur la multifonctionnalité des forêts et  sur la biodiversité y  soient inscrites.  Nous demandions pour le moins  qu'un volet environnemental soit intégré  dans les documents d'orientation et pour les autorisations d'exploiter afin que les décisions du propriétaire soient adaptées au  terrain,  aux  peuplements, en préservant les paysages, les  sites protégés  comme Natura 2000 et les Trames Vertes et Bleue . Des documents existent déjà mais non sont non opposables et   peu ou pas utilisés.  La sylviculture proche de la nature est pourtant  développée dans d'autres pays comme la Wallonie, qui vient d'imposer la gestion des forêts publiques en futaie irrégulière méthode PRO SILVA et la Suisse,  qui interdit les coupes rases  de plus de 4 hectares.      Pourrons-nous encore parler forêts dans quelques décennies lorsque, pour avoir du bois,  les plantations d'arbres en rangs d'oignons  déjà  très présentes en Morvan  auront remplacé toutes  les forêts étagées et mélangées ? Les forêts morvandelles ne résisteront pas à cette évolution qui consiste à produire toujours plus, malgré le Parc Naturel Régional du Morvan et ses chartes forestières.  Les forêts publiques devraient être exemplaires en  matière  de  sylviculture écologique  mais peu de surfaces sont gérées en futaie irrégulière, considérée par certains responsables   de l'ONF et décideurs comme non productive. Pourtant  cette sylviculture, qui est économiquement rentable, prend en compte la biodiversité, préserve les paysages , la qualité des sols,  c'est une garantie contre les aléas climatiques . Elle permet au propriétaire d'avoir un revenu constant et de capitaliser des gros bois de qualité.

La forêt est l'affaire de tous et les citoyens sont en droit de donner leur avis sur les politiques forestières. Il n'est pas besoin d'être un spécialiste pour comprendre combien elle est indispensable à notre bien vivre.

Produire et vivre dans le respect de la nature, n’est-ce pas le défi qui nous est lancé aujourd’hui ? C'est en tout cas le défi du GFSFM, propriétaire actuellement de 230 hectares de forêts mélangées et étagées, gérées en futaie irrégulière selon les méthodes PRO SILVA.